Le 23 mai dernier, le gouvernement flamand a décidé de faire passer les frais d’inscription liés à des formations en langues étrangères pour adultes de 1,5 à 4 euros par heure de cours. Dès septembre, toute personne désirant suivre une formation en langue pendant une année scolaire à raison de deux cours par semaine devra débourser 960 euros au lieu de 360 euros antérieurement. Et aucune réduction ne sera envisageable car, pour Zuhal Demir, ministre flamande de l’Enseignement et de l’Emploi, les formations en langues sont à but récréatif.

En Flandre, environ 50 000 personnes suivent une formation en langue dans l’enseignement pour adultes. Les raisons de vouloir apprendre une langue étrangère sont nombreuses : certains participants ont besoin de connaître la langue dans le cadre de leur travail, d’autres s’inscrivent par intérêt personnel ou pour avoir des contacts sociaux. « Oui, la langue, c’est très chouette, mais la question est de savoir si c’est au contribuable flamand de financer ces cours », a déclaré la ministre devant le Parlement flamand. Et elle ajoute : « Je dis toujours que plus on connaît de langues, mieux c’est. Et oui, leur prix a effectivement un peu augmenté. »

Ces dernières semaines, à peu près tous les acteurs de l’enseignement des langues ont exprimé leur indignation dans les médias. Le Conseil flamand de l’Enseignement a même formulé un avis d’urgence. Les parties concernées n’adhèrent pas à la décision de hausse du prix, bien trop forte à leur goût, et qualifient d’inconvenante l’image que la ministre a employée à propos des formations en langues : des amateurs qui grèvent le budget flamand en suivant leurs formations en langues, alors que celles-ci sont avant tout un investissement judicieux dans le capital économique et sociétal. 

Marie Desmet, étudiante de master en traduction (néerlandais, allemand, espagnol) à l’université de Gand et actuellement stagiaire à De Taalsector, s’est sentie visée en tant que future traductrice. « Plus que jamais, connaître des langues est un atout, tant pour le citoyen que pour la société. Apprendre une langue étrangère ne devrait pas être un luxe ni un privilège, n’est-ce pas ? »
 
Gand, le 11 juin 2025, Marie Desmet

En effet, plus on connaît de langues, mieux c’est. Elles sont une source d’enrichissement, tant personnel que sociétal.

 

Clefs de la croissance personnelle

Connexions  

Lors de mon séjour Erasmus à Barcelone, j’ai rencontré plein de gens : des Espagnols et des étudiants Erasmus d’autres pays. Aucun d’entre eux ne connaissait un mot de néerlandais. Grâce à ma connaissance de l’espagnol, de l’anglais, du français et de l’allemand, j’ai pu m’adresser à beaucoup de jeunes dans leur langue maternelle. Cela m’a permis d’apprendre énormément de choses.

Le multilinguisme est un atout à divers égards. Que ce soit parce qu’on a besoin d’aide, pour convaincre ou pour transmettre un message clair, connaître la langue fait la différence. La langue, et a fortiori le multilinguisme, permet de nouer de nouvelles relations et d’établir des connexions intéressantes. 

Intercompréhension

Il y a quelques années, j’ai donné des cours d’équitation dans le cadre d’un stage d’été. Deux filles francophones faisaient partie de mon groupe. La raison pour laquelle elles suivaient ce stage en Flandre était de mieux comprendre le néerlandais. Je m’exprimais en néerlandais, et elles en français. Ainsi, j’ai pu aiguiser ma compréhension du français. Et comme ça, tout le monde y trouvait son compte ! Le simple fait de comprendre son interlocuteur est déjà un enrichissement de taille, je trouve. 

Confiance en soi 

Quand je partais en vacances avec mes parents, c’étaient toujours eux qui prenaient la parole partout parce que mes connaissances linguistiques n’étaient pas aussi bonnes qu’aujourd’hui. Mais depuis que je fais des études de langues, j’ai plus confiance en moi, et pas seulement dans ce domaine. Désormais, j’ose aller vers les gens. Pour avoir de nouvelles connexions, il faut parfois sortir de sa zone de confort. Cela m’a rendue plus audacieuse.

Maintenant, quand je voyage avec mes parents, c’est moi qui prends la parole. Et en Allemagne ou en Espagne, ils profitent de temps en temps de mes connaissances de la langue et de la culture locales.

Culture 

Il y a quatre ans, j’ai eu l’occasion de voir le film Memoria en version originale sous-titrée néerlandais lors du festival du Film de Gand. Cela peut sembler banal, mais pour moi, c’était vraiment un moment charnière, car pour la première fois, j’avais été capable de suivre entièrement un film en espagnol, sans lire les sous-titres. Waouh !
Voir un film sans regarder les sous-titres, lire un livre dans la langue source ou apprécier des paroles de chansons sans en lire la traduction ; la langue est non seulement un outil de communication, mais aussi la clef vers d’autres cultures et leurs formes artistiques.

Connaissances 

Dans le cadre de mon travail de fin d’études, de nombreuses recherches s’imposent. Et j’ai la chance de pouvoir consulter des sources dans cinq langues différentes, ce qui fait une grande différence.

Donc oui, sur le plan des connaissances, le multilinguisme offre des avantages. Vous voulez en savoir plus à propos d’une certaine culture ? Apprenez-en la langue. Si vous parlez la langue d’un pays, vous pourrez discuter avec des locaux et vous plonger encore plus dans leur culture, mieux comprendre leurs traditions et leurs habitudes. 

Une autre chose que j’ai remarquée : en tant que traductrice en herbe, j’arrive à passer rapidement d’une langue à l’autre. L’apprentissage d’une langue me permet d’acquérir plus de connaissances, mais aussi d’aiguiser mon cerveau et d’entraîner ma mémoire. Des études ont démontré que l’apprentissage d’une langue améliore les fonctions cognitives.  

Et un autre argument assez évident : la connaissance de langues est un atout sur le marché de l’emploi.

 

Le multilinguisme, ciment de la société

La connaissance de langues est précieuse pour l’individu et elle présente au moins autant d’avantages pour l’ensemble de la société.

Innovation 

Le multilinguisme favorise la collaboration internationale, par exemple, dans le domaine scientifique. Une société multilingue a non seulement accès à plus de savoir au-delà des frontières, mais elle peut aussi partager plus rapidement les résultats des recherches au niveau mondial. Dans le secteur médical, les échanges rapides au niveau international sont cruciaux pour la lutte contre les maladies et la mise au point de nouveaux traitements. Le multilinguisme accélère l’innovation.  

Diplomatie

Le multilinguisme aide à éviter des conflits entre pays et favorise l’intercompréhension. Les malentendus dus à une communication insuffisante peuvent être lourds de conséquences, mais ils sont souvent faciles à éviter. Même dans le cadre d’un conflit, la langue peut donner lieu à une solution. En parlant la langue d’autrui, on amène la conversation à un niveau supérieur et on fait preuve de plus d’empathie et de respect. Et on augmente les chances d’aboutir à une solution.

« If you talk to a man in a language he understands, that goes to his head. If you talk to him in his language, that goes to his heart. » (Nelson Mandela) 

Le multilinguisme est une porte d’entrée sur de nouveaux savoirs, de nouvelles relations et l’enrichissement personnel de tout citoyen. De plus, il incite au respect mutuel des traditions et habitudes d’autrui, ce qui est la clef de voûte d’une société unie et dynamique. Qu’il s’agisse de formations en langues dans l’enseignement pour adultes ou de tables de conversation, le multilinguisme rapproche les groupes.

Ma conclusion ? Aujourd’hui, les formations en langues ont plus que jamais leur raison d’être et doivent rester les plus accessibles possibles. Pourquoi ? Parce qu’elles sont essentielles pour la croissance personnelle, pour une société qui se veut coopérative sur le plan international et qui mise sur la connexion. Par conséquent, investir davantage dans l’enseignement des langues n’est pas un luxe, mais une nécessité pour l’avenir.

« Pour moi, plus on connaît de langues, mieux c’est »  
 

Originele tekst in het Nederlands: Marie Desmet
Franse vertaling: Laurence Hamels